jeudi 27 décembre 2007

L’Inde tremble, l’Indien dort et l’Occidental flippe…

























DELHI- Fin novembre 2007, un petit séisme de 4.3 sur l’échelle de Richter réveillait les habitants de Delhi à 4h40 du matin. Au-delà de l’information factuelle et alarmiste qu’il représente, ce moment de panique met en évidence l’extraordinaire – et déroutante – philosophie dont les Indiens que nous avons rencontrés font preuve face à la fatalité. Sont-ils fatalistes pour autant? La foi indienne et la forte sismicité de cette partie du monde ont sûrement façonné leur manière d’appréhender le cataclysme. Mais jusqu’à quel point? Cette relativisation du drame s’exprime plus gravement dans la fièvre immobilière des grandes villes où les gratte-ciel sortent de terre et semblent inconsciemment défier la forte probabilité de nouveaux chocs simiques de grande ampleur…

Leçon de dédramatisation

Tout le monde l’a senti. Les murs du guest house (ce qui signifie littéralement: “maison d’hôte”) ont tremblé, les armoires et les lits ont avancé de quelques centimètres dans toutes les chambres. Ma statuette de Ganesh, le dieu à tête d’éléphant en a même perdu sa trompe en se fracassant au sol après une chute depuis la tablette. Dans la rue, des panneaux sont tombés, et des chiens errants aboient nerveusement. Durant cinq ou six longues secondes, une vibration sourde, profonde et puissante vient de secouer Paharganj, un quartier très dense situé au centre de Delhi. Par chance, alors que les coupures d’électricité ont lieu deux fois par jour, les lumières et les télévisions répondent encore. Il est 4h40 du matin et il ne faut pas une minute pour que l’agitation gagne les premières chambres de la maison. Des résidents - déjà - prêts à évacuer tambourinnent aux portes closes sur leur passage au cas où quelqu’un serait encore endormi. Ils lancent l’appel dans tous les couloirs: “It’s an earthquake, join us in the street, leave your luggage in your room. Hurry!” (C’est un tremblement de terre, rejoignez-nous dans la rue, laissez vos bagages dans vos chambres, dépêchez-vous!). Une vingtaine de personnes en pyjamas dévalent la volée d’escaliers qui mène vers la sortie, et se pressent vers un endroit dégagé, loin des habitations et des poteaux éléctriques (un espace difficile à trouver dans le quartier où les baraques sont collées les unes aux autres, avec parfois moins de deux mètres entre elles, sans oublier la flore de fils électriques emmêlés suspendus au-dessus des rues). Le réflexe était quand même le bon, puisque ce qui cause les plus de dégâts dans les tremblements de terre, ce sont les effondrements de bâtiments.
Isolé au milieu de la rue, le groupe s’agrandit d’occupants fuyant les autres maisons, guest houses et hôtels qui bordent Main Bazaar (artère commerçante de Paharganj). Ils ont tous les petits yeux et même si chacun a compris ce qui venait de se passer, une seule question revient sans cesse: “What happened?” (Qu’est-ce qui vient de se passer?).
Cependant, il faut bien constater que le petit attroupement perdu sur la rue a quelque chose de très…occidental. Un couple hongrois, une touriste italienne, un voyageur britannique, un Belge et bien d’autres, mais quasi aucun Indien! Mieux, la petite réunion des étrangers effrayés a l’air de beaucoup amuser les nombreux noctambules qui passent par là. Un voile de ridicule couvre peu à peu les étrangers qui se rendent compte que la vie nocturne de Paharganj n’est vraiment pas perturbée par l’incident. Les passants, les vélos, les autos, et les rickshaws vont et viennent, les rabatteurs s’approchant du petit groupe de “blancs”, entreprennent le marchandage habituel à leur égard: “Come to my brother’s shop” ou “special price for you my friend” (Viens dans la boutique de mon frère ou prix spécial pour toi mon ami) comme si rien ne s’était passé.
Nobody cares!!!” (Tout le monde s’en fout!!!). Le jeune britannique du groupe est consterné, il tente de mesurer l’extrême relativisme des Indiens face à l’ombre d’une catastrophe. De la frayeur qui venait de l’arracher à son sommeil, il voguait maintenant vers l’incompréhension d’un nouveau choc, culturel cette fois.
Les locaux ne craignent-ils pas les secousses sismiques? En ont-ils l’habitude? Cette secousse-ci était-elle ridiculement faible par rapport à celles qui ont déjà touché le coin? La philosophie indienne rend-t-elle les gens imperturbables face à l’intempérie? Difficile à dire. D’après Alam, l’homme à tout faire de la maison d’hôte: “ tout ça nous dépasse, ça n’est pas de notre ressort, on ne peut rien décider”. Sans être lui-même convaincu de la réponse qu’il me donne, Alam me montre le ciel, et me fait comprendre avec ses mains, ses roulements d’yeux et son anglais d’usage que les “Gods” (les Dieux) décident de tout cela pour lui. Alam a senti la vibration, il s’est réveillé aussi, il me confie avoir eu très peur mais a malgré tout préféré rester emmitouflé dans sa couverture, derrière le comptoir du guest house pour prier.
C’est à croire que les Indiens ne partagent pas notre culture du drame. Il faut bien avouer que la secousse n’a laissé aucune trace. Aucun immeuble ne s’est effondré, aucun cratère ne s’est ouvert sous nos pieds, apparemment aucun endroit n’a été gravement touché et seul un village près de Meerut, situé à une centaine de kilomètres à l’est de Delhi a pu être évacué à temps (tout ceci d’après CNN/IBN qui a répercuté l’incident à partir de 6h00 du matin). Pas de gravats, pas de décombres, pas de morts. Juste une belle frousse de quelques secondes…

Alors? Formidable leçon de maîtrise de soi face à la panique ou relativisation extrême d’un évènement dangereux ? On ne peut en réalité porter aucun jugement sur la façon dont les Indiens appréhendent ce type d’incident qui, dans leur vie, revêt une toute autre importance que dans la nôtre. Au mieux, nous pouvons arpenter les rues chaotiques de Delhi, de Bombay ou de Jaipur à la rencontre des habitants et des dieux innombrables, dans un décor où votre raison est à l’épreuve d’une rude remise en question, comme tous vos sens le sont à celle d’une découverte permanente. C’est ainsi qu’il faut éloigner les jugements hâtifs, et ne ramasser que quelques bribes d’explication au relativisme indien face aux catastrophes.

La foi, guide spirituel face aux évènements de la vie

Comme l’attitude d’Alam en témoigne, les Indiens sont globalement très croyants, et la plupart d’entre eux sont hindous. Même si l’Islam est moins présent que l’hindouisme, l’Inde n’en est pas moins un très grand pays musulman. Sikhisme, zoroastrisme, protestantisme, christianisme, bouddhisme, jainisme composent également la mosaïque confessionnelle indienne. Tout ça pour dire que l’Inde est un pays de la foi. Les hindouistes croient par exemple aux cycles des réincarnations, chacun de nous en aurait ainsi plusieurs à vivre. Au plus on avance dans ces cycles, au plus l’être se bonifie. On peut même lire et entendre dire que chaque vie est un nivellement par le haut dans le système hiérarchique des castes qui régit encore plus ou moins la société indienne. Les hindous vivent ainsi en étroite relation avec les Dieux qui rythment leur vie quotidienne d’évènements heureux ou malheureux. Ainsi, un chauffeur de taxi qui arrive à vous convaincre de louer ses services après de longues négociations sur le prix de la course, n’oublie pas de s’en retourner au mini-autel bricolé sur son tableau de bord en l’honneur de son Dieu pour lui murmurer quelque parole de remerciement avant de mettre le contact et de s’engouffrer avec vous dans le trafic infernal de la ville. De même lors du tremblement de terre, au lieu de cavaler dans tous les sens comme le groupe de touristes occidentaux, il faut croire que le premier réflexe des hindous dans de tels cas est de s’adresser aux Dieux qui peuvent également décider de leur mort, ou plutôt de leur passage d’un cycle de vie à un autre. “ Ō Ram”, qui signifie “Oh Dieu”, tels furent les derniers mots du Mahatma Gandhi succombant au coup de feu que lui avait porté un fanatique hindou, soit tout un symbole du lien qu’entretiennent les Indiens face à leur propre mort.

L’Inde, un terrain à forte sismicité

L’Inde est située sur les plaques eurasienne et indienne qui se rencontrent au niveau du sous-continent. De ce rapport de forces croît ainsi la chaîne himalayenne. L’Inde se présente donc comme un terrain à forte sismicité. Le 26 janvier 2001, le Gujarat, état du Nord-ouest de l’Inde était ravagé par un séisme de 7.9 sur l’échelle de Richter dont il est, encore aujourd’hui, difficile d’évaluer le nombre de victimes (on parle de dizaines de milliers de morts). Izzi Lokku, qui a rédigé un ouvrage sur les grands défis auxquels l’Inde est confrontée aujourd’hui nous apprend que “selon des experts indiens des Nations Unies, près de 25% du bloc continental indien correspondent à une zone à forte sismicité. Delhi et ses environs sont exposés à des risques sismiques très élevés; Bombay, Calcutta et Madras à des risques élevés[1]”. Les petites secousses sans dégâts de grande ampleur comme celle survenue à Delhi en novembre 2007 sont en fait assez fréquentes et l’on ose supposer que les Indiens y sont habitués et ne sautent donc pas de leur lit au moindre tremblement. En Belgique, on ne court pas non plus dans les caves quand un orage violent frappe le ciel… De telles nuances nous offrent une lecture plus limpide de la situation, permettant de mieux mesurer le relativisme des Indiens face aux “drames”.


Des architectes irresponsables?

Le “skyscrapper” (le gratte-ciel) est un signe de développement urbain des plus évidents. Qu’on les aime ou pas, ils traduisent une certaine puissance économique, financière, politique ou industrielle. À leurs sommets sont logés les bureaux des big boss, des patrons, des dirigeants… Ne pas avoir de “skyscrapper”, c’est risquer de donner une image sous-développée aux autres pays. À l’heure où l’Inde s’impose comme un géant économique mondial et brille en ce qu’elle peut offrir de mieux, à l’heure où elle accrédite son entrée sur les marchés boursiers et consomme son mariage avec le capitalisme, il lui a impérativement fallu acquérir cette vitrine de modernité urbaine symbolisée par le gratte-ciel. Promenez-vous dans certains quartiers de Bombay ou de Delhi et vous constaterez que ces derniers n’ont rien à envier à Manhattan. De tels buildings poussent partout, surtout en banlieue. Les autorités ont également vu dans l’érection de tels édifices une solution au problème de la densité de population des grandes métropoles. Surfez sur le blog internet “Indian skyscrapper blog” et prenez la température de cette fièvre immobilière qui anime les Indiens. À Bombay, dans les quartiers de la Finance, on peut voir des panneaux annonçant la venue d’un méga-complexe de towers en banlieue. Le must: “Un projet de construction d’un gigantesque gratte-ciel dans la banlieue de New Delhi a été dévoilé récemment. Une tour plus grande que les tours jumelles Petronas à Kuala Lumpur, en Malaisie, et que la Burj Dubaï aux Émirats arabes unis. Pourquoi? Pour accroître le prestige de l’Inde sur la scène internationale[2]”.
Tout ça est bien beau, mais outre le fait que ces monstres de pierre et de vitre offrent un contraste saisissant avec les bidon-villes qui les bordent parfois immédiatement, la réalisation d’un tel nombre de projets paraît tout à fait irresponsable quand on sait que des séismes de grande ampleur peuvent frapper l’Inde à n’importe quel moment. Ces constructions respectent peut-être des normes anti-sismiques et sont peut-être pensées de façon à ne pas s’écrouler… Mais nous sommes quand même en droit de nous poser la question de savoir si les autorités indiennes n’ont pas aveuglement permis l’édification de ces centaines (ou de milliers?) de tours à travers l’Inde, fermant les yeux sur les manifestations naturelles violentes surevenues dans le passé (un important séisme touchait encore l’Inde en 2005, dans le Cachemire). Ne pas avoir de grandes cités modernes, c’est comme dire “merde” à l’évolution, au futur, aux investissements étrangers, c’est faire la fine bouche devant un signe de la croissance dont l’Inde rêve depuis son indépendance en 1947. Mais faire pousser du méga-building partout, c’est aussi privilégier la modernité apparente au détriment de la sécurité des résidents, travailleurs, business men et autres qui vivent dans ces tours.

Lisez l’ouvrage d’Izzi Lokku*, vous tomberez des nues. Voyez les extraits suivants: “Toujours est-il que dans un pays comme l’Inde constamment exposé aux violences de la nature, on s’attendrait à ce que les autorités prennent des mesures préventives destinées à limiter l’ampleur des victimes et des destructions matérielles. Mieux vaut prévenir que guérir n’est-ce pas? Mais les Indiens sont fatalistes dans l’âme. Tout est écrit. On ne peut pas empêcher le destin, alors à quoi bon essayer de déjouer ses plans?[3]”. Ou encore celui-ci: “C’est comme si les architectes et les constructeurs étaient restés de grands enfants qui continuent de jouer au lego ou au meccano. Immeuble après immeuble, gratte-ciel après gratte-ciel, quartier après quartier… la ligne des toits se transforme rapidement. Partout l’on assiste à une frénésie de la construction comparable à celle de l’Europe après la deuxième Guerre Mondiale[4]”.

Revenons-en au fameux fatalisme indien face aux chocs sismiques, la perspective du gratte-ciel nous laisse perplexes, bien-sûr. On a envie de porter un jugement, de penser que ces Indiens sont fous! Mais ce serait trop facile, lier la fièvre du gratte-ciel au fatalisme passe par d’autres questionnements sur la société indienne, sur son histoire, sur ses contextes économique et politique. Les résidents ont-ils toujours le choix de choisir leur habitat? Les constructeurs habitent-ils eux-même dans les tours qu’ils bâtissent? Y a-t-il un lobby du building? L’Inde est-elle le pays d’un formidable optimisme ou celui d’un fatalisme sans limites?

[1] LOKKU, Izzi « La face cachée de l’Inde », Eyrolles 2007, page 68.
[2] Op.cit. page 70.
[3] Op.cit. page 69.
[4] Loc.cit.

L.W.

PS: Cet article sur l'Inde est le premier d'une série. L.W. s'est, en effet, rendu en Inde et a un tas de choses à vous raconter sur le mode de vie indien... à milles lieues de ressembler au notre!

lundi 10 décembre 2007

Elections : la démocratie à deux vitesses

D'un côté le Vénézuela, de l'autre la Russie. D'un côté la révolution bolivarienne marxiste, de l'autre le poids du capitalisme ultralibéral. Dans les deux cas, deux leaders indéboulonables: Hugo Chavez et Vladimir Poutine. Soumis à la sanction populaire, ils ont récolté des résultats différents. L'un voulait affirmer son pouvoir de façon non-voilée, l'autre voulait passer entre les pièges, tel un serpent. Résultats.

Les deux chefs d'Etat ont connu des fortunes diverses
Hugo Chavez voulait faire modifier la loi de son pays pour pouvoir indéfinimment briguer des mandats présidentiels successifs. Le référendum qu'il avait organisé pour cette réforme de l'Etat vénézuelien a été rejeté par 50,7 % de la population qui s'est moins déplacée vers les isoloirs que pour la dernière présidentielle. Tantôt décrié ( il a fait arrêter les émissions de RCTV, une télévision d'opposition), tantôt adulé ( les nationalisations des différentes compagnies pétrolière ont servi à "alphabétiser" presque toute la population et à améliorer les soins de santé), le lider bolivarien n'a pas bénéficié du soutien de la population. Souvent considéré comme un dictateur corrompu, Chavez a reconnu sa défaite. Ceux qui soutenaient la thèse du dictature sans limites au Vénézuela ont certainement pris un rude coup au moral.

De l'autre côté, Vladimir Poutine est, à la base moins attaqué par l'Europe ou les Etats-Unis. Et pour cause, le chef du Kremlin (palais présidentiel russe) tient en main le tiers des réserves mondiales de gaz en contrôlant les principaux gazoducs qui alimentent l'Europe. Et pourtant, il semble que le glacial Poutine (ex du KGB, services secrets russes) emprunte une voie bien plus incorrecte que son alter-ego sud-américain. Avec 63,5 % des voix il en remporté des législatives avec sa liste Russie Unie. Jusque là rien de bien grave si ce n'est deux choses: il a déjà été deux fois président de son pays et, il tente par tous les moyens de garder les clés du Kremlin en plaçant ses poulains dévoués à la tête de l'Etat. S'il ne devient pas Premier ministre Poutine dirigera Gazprom (société gazière ultra-puissante) et placera des hommes de paille à la tête des différents postes importants de l'Etat. En Russie, la censure frappe aussi puisque des journalistes d'opposition sont soit assassinés soit, drogués et placés dans des asiles pour aliénés (voir reportage d'Envoyé Spécial).

Des légitimités différentes
Chavez est souvent décrié pour sa redistribution des biens des compagnies pétrolières à sa population. C'est surtout le modèle marxiste-léniniste qui dérange, ce réveil de l'"autre monde" non capitaliste. La "deuxième voie" communiste écrasée par les américains et libéraux de tous poils depuis la fin de la Deuxième Guerre Mondiale est jugée politiquement incorrecte. Mais apparement, celui qui utilise des méthodes staliniennes (du nom d'un leader communiste russe particulièrement sanguinaire, je dénommé Staline), c'est plutôt Poutine pourtant tenant d'un libéralisme dans son état le plus sauvage. Car, même si sa victoire a été saluée par (entre autres) Sarkozy et Blair, il n'en reste pas moins que de très nombreuses irrégularités ont étés commises durant ces élections. L'opposition représentée par l'acien champion du monde d'échecs Gary Kasparov, est tout simplement anihilée par le leader russe.

Reste que visiblement, le futur-ex président russe est politiquement plus correct... alors que Chavez a perdu les élections beaucoup plus démocratiquement. Une démocratie à deux vitesses donc: celle de l'argent et, celle de l'exclusion, que pratiquent les capitalistes ultralibéraux envers tout ce qui ne l'est pas assez!

Tiens en parlant d'élections, c'est bientôt les primaires aux Etats-Unis. Les primaires servent aux deux partis (Républicain et Démocrate) pour élire leur candidat respectif à la présidentielle. Et un certain Mike Huckabee n'a pas peur du ridicule (lui qui l'est déjà pas mal). Il a pris comme porte-parole, notre ami Chuck Norris. Le Walker Texas Ranger soutient ce candidat Républicain via un spot publicitaire à regarder jusqu'au bout: le candidat est pour le droit au port d'arme consacré par l'amendement n°2 à la Constitution (en bon chasseur paraît-il) mais aussi, pour l'abolition des impôts (haaa le rêve ne tue pas), le tout "Chuck Norris approved" (approuvé par Chuck)... On se croirait dans une pub pour de la bouffe! Comme quoi la notion de ridicule n'est pas la même partout! La vidéo


A.S.


mercredi 28 novembre 2007

Quarante ans après, le « Che » est partout




















Vous le voyez partout mais ne savez pas forcément qui il est. Devenu une icône vestimentaire, Ernesto « Che » Guevara reste, 40 ans après sa mort, une légende. Entre engagement politique et controverse, il est aujourd’hui porteur de valeurs pour une nouvelle Amérique Latine qui se réveille politiquement. Critiqué pour son autoritarisme, admiré pour son courage, le « Che » est toujours au centre du débat. Voici le portrait d’un révolutionnaire hors du commun dont le fils était de passage à l’Université Libre de Bruxelles, la semaine dernière.

Rebaptisé « Che » en référence à cette expression qui ponctue les phrases en Argentine, Ernesto Guevara est né le 14 juin 1928 à Rosario (Argentine). Touché par l’asthme dès son plus jeune âge, le jeune argentin n’est cependant pas effrayé par l’aventure : à 23 ans, il entame son premier long périple au travers de l’Amérique Latine (voir le très beau film : Diario de motocicleta). Au volant de sa moto et, accompagné par son ami Alberto Granado, il traverse tout le continent et se rend à Miami. Deux ans plus tard, il remet ça, direction le Mexique ! Durant, ces périples le Che se rend compte à quel point les sud-américains souffrent : exploités, nombre d’entre eux sont d’une pauvreté extrême. Le Che commence à acquérir une conscience politique grâce à son parcours au cœur du continent mais aussi, par ses nombreuses lectures allant de la philosophie à la politique, en passant par la poésie.

Une rencontre qui change son existence
Fort de cet enrichissement culturel, le Che devient un leader politique de premier plan et, bientôt, une rencontre fera basculer sa vie dans l’action politique. Nous sommes en juillet 1955, il rencontre un certain Fidel Castro, alors en exil politique au Mexique. Et bien vite, le Che se sent concerné par le sort des Cubains, opprimés par une dictature de Battista qui les prive de toute liberté. Le 2 décembre 1956, il se fait embarquer dans l’aventure révolutionnaire par Castro : le débarquement à Cuba est un véritable échec. Mais, il reste une vingtaine de fidèles qui s’installent dans l’est de l’île. Et, ils se battent comme un armée de plus de mille hommes puisque, le premier jour de l’an 1959, Battista s’enfuit : c’est la victoire. Après avoir été nommé ministre de l’Industrie et, avoir allumé quelques mèches contre l’impérialisme (voir vidéo), le Che disparaît de la scène politique cubaine (été 1965). Motif ? Il ne partage pas la volonté de Castro de s’allier avec l’Union soviétique. Pour lui, c’est aussi une forme d’impérialisme inacceptable.

Deux dernières années de guérilla en guérilla
En bon internationaliste, le Che passe ses deux dernières années de vie à aider d’autres rebelles à se libérer du joug des dictatures. D’abord au Congo, où il aide les rebelles menés par Laurent-Désiré Kabila (qu’il quitte vite en voyant leur façon d’agir très individualiste) et, ensuite, en Bolivie. C’est là qu’il meurt (probablement sur ordre de la CIA), le 9 octobre 1967, à la tête d’une troupe de 30 guerriers qui tentaient de renverser le régime d’extrême-droite soutenu par les USA.


Pourquoi cet homme est-il devenu une icône ?
40 ans après sa mort, on le voit partout. La venue de Camillo Guevara (son fils) à l’Université Libre de Bruxelles était l’occasion de revenir sur ce destin hors du commun. A vrai dire, j’ai été particulièrement déçu par le côté « patriote cubain » de Camillo. Son père était plutôt un internationaliste. Bien que citoyen cubain, il se voyait plutôt citoyen Sud-Américain. Aujourd’hui occupé à entretenir la mémoire de son père mais aussi, au travers de la fondation Che Guevara, à mettre sur pied des projets humanitaires ou éducatifs, il a tenté de répondre à quelques questions sur le Che qu’il a, à dire vrai, très peu connu.



A l’heure actuelle, on voit l’image du Che partout : t-shirt, sacs, pulls, manifs… Pourtant, cela aurait déplu au personnage. Ce qu’il faut retenir selon Camillio Guevara c’est « …qu’il a ressemblé beaucoup de valeurs de grands penseurs, de révolutionnaires qui étaient là avant lui. Il s’est approprié le meilleur et en a fait une synthèse originale… Il était un vrai révolutionnaire, il voulait transformer la société en bien. Son but premier était de mettre tout en œuvre pour restaurer la dignité humaine de tous les sud-américains. Il s’est réellement sacrifié au point de travailler 16 à 20h par jour. Nous-mêmes ne le voyions presque jamais. Pour moi, c’est plus une figure révolutionnaire que mon père. »
Pour le reste, beaucoup de questions sont soulevées à l’heure actuelle sur le rôle de Che dans l’assassinat de plusieurs soldats de Battista. Sans vouloir me faire partisan invétéré, il me semble qu’au-delà de la figure révolutionnaire, le Che n’était pas un homme sanguinaire comme il est décrit par certains. Toute guerre connait, malheureusement, son lot de morts. Des voix se lèvent face à la cruauté présumée du Che qui aurait participé à des fusillades d’opposants capturés. « 40 ans après, certains essaient de salir l’image du Che par une campagne de désinformation. Il était trop subversif. Alors on le commercialise, on le traite d’assassin froid et sanguinaire. Après la Deuxième Guerre Mondiale, il y a eu Nürnberg. Là les nazis ont étés jugés et, pour la plupart, condamnés à la peine de mort. A Cuba, il y a eu la même chose : il fallait faire justice, beaucoup de gens avaient souffert et étaient morts durant la dictature. Mon père était juge de Cassation avec des huissiers qui notaient tout ce qu’il s’y passait. Sur les 8 cas qu’il a traités, il y a eu 2 condamnations à mort. Il n’a assisté qu’à une exécution. Aucun document ne prouve le contraire », ajoute Camillo Guevara.


Quatre décennies après sa mort, le Che reste un sujet de discussion intense. Reste que l’héritage politique qu’il lègue depuis deux générations, va bien plus loin que le phénomène marketing dont il est la victime actuellement. Car au final, combien de personnages sont encore des icônes politiques aujourd’hui ? Malcom X, Ghandi,… Il fait bien partie des grands de ce monde.

A.S.


lundi 19 novembre 2007

Moyen-Orient: Un Kurdistan indépendant ?

Une région autonome kurde émerge au nord de l’Irak. On ne peut encore parler d’indépendance. L’émersion progressive de ce proto-Etat n’est pas du goût de tout le monde. Les Etats-Unis baignent entre deux eaux.

« Depuis la fin du mois de mai, les Américains ont confié aux Kurdes la sécurité de leurs provinces. Cette décision est une étape symbolique dans la construction du premier Etat kurde de l’histoire ». Le Figaro du lundi 12 novembre mettait en exergue le rôle important des Etats-Unis dans l’autonomisation de la province kurde au Nord de l’Irak. Et si l’action du gouvernement Bush au Kurdistan s’avère indispensable au maintien d’une image de stabilité en Irak, sa position doit toutefois être nuancée. Comme l’explique Le Vif l’Express de la semaine dernière, les Américains ne peuvent « pas perdre leur précieux allié de l’Otan, la Turquie ». La base turque d’Incirlik facilite le réapprovisionnement des missions américaines en Irak. Et comme l’histoire l’a démontré, entre Kurdes et Turcs, les relations sont tendues.

Une nation sans Etat
Le Kurdistan, nation d’origine indo-européenne, s’étend sur quatre pays : la Syrie (2 millions de Kurdes), l’Iran (8 à 10 millions), l’Irak (4 à 5 millions) et la Turquie (15 millions). On compte également des communautés kurdes en Azerbaïdjan, en Arménie, en Géorgie, au Liban et au Koweït. Sans oublier la diaspora kurde en Europe Occidentale, aux Etats-Unis et en Australie qui a fui le Moyen-Orient du fait des persécutions perpétrées par les peuples précédemment cités. Ceux-ci refusent l’indépendance du Kurdistan car cela représenterait une atteinte à leur intégrité territoriale. Cette nécessaire autonomie, réclamée depuis près de cent ans, a été la cause de nombreux conflits et de nombreux morts, à l’instar du génocide kurde perpétré par Saddam Hussein dans les années quatre-vingts.
C’est donc dans une certaine allégresse que se développe actuellement le Kurdistan irakien, même si personne n’ose encore parler d’Etat ou d’indépendance. Cette superficie de 70 000 kilomètres carrés accueille déjà deux aéroports, reliant la région au Moyen-Orient et même à l’Europe. Les Kurdes signent désormais des contrats d’exploitation pétrolière avec des sociétés internationales. Le secteur du bâtiment est en pleine explosion. Le Kurde et l’Anglais sont devenus les deux premières langues de l’enseignement, et ce au détriment de l’Arabe. Les relations diplomatiques se multiplient. Les chaînes de télévision sont kurdes. Et c’est le drapeau vert blanc rouge frappé d’un soleil jaune (drapeau kurde) qui flotte sur les édifices publics accueillant le gouvernement de la région autonome kurde.
A quelques kilomètres de Bagdad, Erbil, capitale du Kurdistan irakien, représente donc une véritable terre promise.

Une prospérité à double tranchant
Ces sont des kurdes de partout qui viennent s’installer dans ce proto-Etat. Il ne faut toutefois pas occulter la présence de groupes terroristes même si le gouvernement ne tolère aucun mouvement armé sur son territoire. Le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), composé de rebelles armés, trouve ici refuge pour se cacher et préparer ses attentats. La Turquie, cible de cette guérilla marxiste, voit rouge. Il y a un mois, le parlement turc a donné son autorisation à d’éventuelles incursions dans le Nord irakien afin de lutter contre les rebelles du PKK. Ankara a toutefois promis de recourir à tous les moyens diplomatiques avant d’envisager une action militaire.
Tout n’est donc pas rose pour l’éventuel futur Kurdistan qui a, déjà au cours du siècle dernier, beaucoup espéré…

C.V.R