Une région autonome kurde émerge au nord de l’Irak. On ne peut encore parler d’indépendance. L’émersion progressive de ce proto-Etat n’est pas du goût de tout le monde. Les Etats-Unis baignent entre deux eaux.
« Depuis la fin du mois de mai, les Américains ont confié aux Kurdes la sécurité de leurs provinces. Cette décision est une étape symbolique dans la construction du premier Etat kurde de l’histoire ». Le Figaro du lundi 12 novembre mettait en exergue le rôle important des Etats-Unis dans l’autonomisation de la province kurde au Nord de l’Irak. Et si l’action du gouvernement Bush au Kurdistan s’avère indispensable au maintien d’une image de stabilité en Irak, sa position doit toutefois être nuancée. Comme l’explique Le Vif l’Express de la semaine dernière, les Américains ne peuvent « pas perdre leur précieux allié de l’Otan, la Turquie ». La base turque d’Incirlik facilite le réapprovisionnement des missions américaines en Irak. Et comme l’histoire l’a démontré, entre Kurdes et Turcs, les relations sont tendues.
Une nation sans Etat
Le Kurdistan, nation d’origine indo-européenne, s’étend sur quatre pays : la Syrie (2 millions de Kurdes), l’Iran (8 à 10 millions), l’Irak (4 à 5 millions) et la Turquie (15 millions). On compte également des communautés kurdes en Azerbaïdjan, en Arménie, en Géorgie, au Liban et au Koweït. Sans oublier la diaspora kurde en Europe Occidentale, aux Etats-Unis et en Australie qui a fui le Moyen-Orient du fait des persécutions perpétrées par les peuples précédemment cités. Ceux-ci refusent l’indépendance du Kurdistan car cela représenterait une atteinte à leur intégrité territoriale. Cette nécessaire autonomie, réclamée depuis près de cent ans, a été la cause de nombreux conflits et de nombreux morts, à l’instar du génocide kurde perpétré par Saddam Hussein dans les années quatre-vingts.
C’est donc dans une certaine allégresse que se développe actuellement le Kurdistan irakien, même si personne n’ose encore parler d’Etat ou d’indépendance. Cette superficie de 70 000 kilomètres carrés accueille déjà deux aéroports, reliant la région au Moyen-Orient et même à l’Europe. Les Kurdes signent désormais des contrats d’exploitation pétrolière avec des sociétés internationales. Le secteur du bâtiment est en pleine explosion. Le Kurde et l’Anglais sont devenus les deux premières langues de l’enseignement, et ce au détriment de l’Arabe. Les relations diplomatiques se multiplient. Les chaînes de télévision sont kurdes. Et c’est le drapeau vert blanc rouge frappé d’un soleil jaune (drapeau kurde) qui flotte sur les édifices publics accueillant le gouvernement de la région autonome kurde.
A quelques kilomètres de Bagdad, Erbil, capitale du Kurdistan irakien, représente donc une véritable terre promise.
Une prospérité à double tranchant
Ces sont des kurdes de partout qui viennent s’installer dans ce proto-Etat. Il ne faut toutefois pas occulter la présence de groupes terroristes même si le gouvernement ne tolère aucun mouvement armé sur son territoire. Le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), composé de rebelles armés, trouve ici refuge pour se cacher et préparer ses attentats. La Turquie, cible de cette guérilla marxiste, voit rouge. Il y a un mois, le parlement turc a donné son autorisation à d’éventuelles incursions dans le Nord irakien afin de lutter contre les rebelles du PKK. Ankara a toutefois promis de recourir à tous les moyens diplomatiques avant d’envisager une action militaire.
Tout n’est donc pas rose pour l’éventuel futur Kurdistan qui a, déjà au cours du siècle dernier, beaucoup espéré…
C.V.R
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