mercredi 28 novembre 2007

Quarante ans après, le « Che » est partout




















Vous le voyez partout mais ne savez pas forcément qui il est. Devenu une icône vestimentaire, Ernesto « Che » Guevara reste, 40 ans après sa mort, une légende. Entre engagement politique et controverse, il est aujourd’hui porteur de valeurs pour une nouvelle Amérique Latine qui se réveille politiquement. Critiqué pour son autoritarisme, admiré pour son courage, le « Che » est toujours au centre du débat. Voici le portrait d’un révolutionnaire hors du commun dont le fils était de passage à l’Université Libre de Bruxelles, la semaine dernière.

Rebaptisé « Che » en référence à cette expression qui ponctue les phrases en Argentine, Ernesto Guevara est né le 14 juin 1928 à Rosario (Argentine). Touché par l’asthme dès son plus jeune âge, le jeune argentin n’est cependant pas effrayé par l’aventure : à 23 ans, il entame son premier long périple au travers de l’Amérique Latine (voir le très beau film : Diario de motocicleta). Au volant de sa moto et, accompagné par son ami Alberto Granado, il traverse tout le continent et se rend à Miami. Deux ans plus tard, il remet ça, direction le Mexique ! Durant, ces périples le Che se rend compte à quel point les sud-américains souffrent : exploités, nombre d’entre eux sont d’une pauvreté extrême. Le Che commence à acquérir une conscience politique grâce à son parcours au cœur du continent mais aussi, par ses nombreuses lectures allant de la philosophie à la politique, en passant par la poésie.

Une rencontre qui change son existence
Fort de cet enrichissement culturel, le Che devient un leader politique de premier plan et, bientôt, une rencontre fera basculer sa vie dans l’action politique. Nous sommes en juillet 1955, il rencontre un certain Fidel Castro, alors en exil politique au Mexique. Et bien vite, le Che se sent concerné par le sort des Cubains, opprimés par une dictature de Battista qui les prive de toute liberté. Le 2 décembre 1956, il se fait embarquer dans l’aventure révolutionnaire par Castro : le débarquement à Cuba est un véritable échec. Mais, il reste une vingtaine de fidèles qui s’installent dans l’est de l’île. Et, ils se battent comme un armée de plus de mille hommes puisque, le premier jour de l’an 1959, Battista s’enfuit : c’est la victoire. Après avoir été nommé ministre de l’Industrie et, avoir allumé quelques mèches contre l’impérialisme (voir vidéo), le Che disparaît de la scène politique cubaine (été 1965). Motif ? Il ne partage pas la volonté de Castro de s’allier avec l’Union soviétique. Pour lui, c’est aussi une forme d’impérialisme inacceptable.

Deux dernières années de guérilla en guérilla
En bon internationaliste, le Che passe ses deux dernières années de vie à aider d’autres rebelles à se libérer du joug des dictatures. D’abord au Congo, où il aide les rebelles menés par Laurent-Désiré Kabila (qu’il quitte vite en voyant leur façon d’agir très individualiste) et, ensuite, en Bolivie. C’est là qu’il meurt (probablement sur ordre de la CIA), le 9 octobre 1967, à la tête d’une troupe de 30 guerriers qui tentaient de renverser le régime d’extrême-droite soutenu par les USA.


Pourquoi cet homme est-il devenu une icône ?
40 ans après sa mort, on le voit partout. La venue de Camillo Guevara (son fils) à l’Université Libre de Bruxelles était l’occasion de revenir sur ce destin hors du commun. A vrai dire, j’ai été particulièrement déçu par le côté « patriote cubain » de Camillo. Son père était plutôt un internationaliste. Bien que citoyen cubain, il se voyait plutôt citoyen Sud-Américain. Aujourd’hui occupé à entretenir la mémoire de son père mais aussi, au travers de la fondation Che Guevara, à mettre sur pied des projets humanitaires ou éducatifs, il a tenté de répondre à quelques questions sur le Che qu’il a, à dire vrai, très peu connu.



A l’heure actuelle, on voit l’image du Che partout : t-shirt, sacs, pulls, manifs… Pourtant, cela aurait déplu au personnage. Ce qu’il faut retenir selon Camillio Guevara c’est « …qu’il a ressemblé beaucoup de valeurs de grands penseurs, de révolutionnaires qui étaient là avant lui. Il s’est approprié le meilleur et en a fait une synthèse originale… Il était un vrai révolutionnaire, il voulait transformer la société en bien. Son but premier était de mettre tout en œuvre pour restaurer la dignité humaine de tous les sud-américains. Il s’est réellement sacrifié au point de travailler 16 à 20h par jour. Nous-mêmes ne le voyions presque jamais. Pour moi, c’est plus une figure révolutionnaire que mon père. »
Pour le reste, beaucoup de questions sont soulevées à l’heure actuelle sur le rôle de Che dans l’assassinat de plusieurs soldats de Battista. Sans vouloir me faire partisan invétéré, il me semble qu’au-delà de la figure révolutionnaire, le Che n’était pas un homme sanguinaire comme il est décrit par certains. Toute guerre connait, malheureusement, son lot de morts. Des voix se lèvent face à la cruauté présumée du Che qui aurait participé à des fusillades d’opposants capturés. « 40 ans après, certains essaient de salir l’image du Che par une campagne de désinformation. Il était trop subversif. Alors on le commercialise, on le traite d’assassin froid et sanguinaire. Après la Deuxième Guerre Mondiale, il y a eu Nürnberg. Là les nazis ont étés jugés et, pour la plupart, condamnés à la peine de mort. A Cuba, il y a eu la même chose : il fallait faire justice, beaucoup de gens avaient souffert et étaient morts durant la dictature. Mon père était juge de Cassation avec des huissiers qui notaient tout ce qu’il s’y passait. Sur les 8 cas qu’il a traités, il y a eu 2 condamnations à mort. Il n’a assisté qu’à une exécution. Aucun document ne prouve le contraire », ajoute Camillo Guevara.


Quatre décennies après sa mort, le Che reste un sujet de discussion intense. Reste que l’héritage politique qu’il lègue depuis deux générations, va bien plus loin que le phénomène marketing dont il est la victime actuellement. Car au final, combien de personnages sont encore des icônes politiques aujourd’hui ? Malcom X, Ghandi,… Il fait bien partie des grands de ce monde.

A.S.


lundi 19 novembre 2007

Moyen-Orient: Un Kurdistan indépendant ?

Une région autonome kurde émerge au nord de l’Irak. On ne peut encore parler d’indépendance. L’émersion progressive de ce proto-Etat n’est pas du goût de tout le monde. Les Etats-Unis baignent entre deux eaux.

« Depuis la fin du mois de mai, les Américains ont confié aux Kurdes la sécurité de leurs provinces. Cette décision est une étape symbolique dans la construction du premier Etat kurde de l’histoire ». Le Figaro du lundi 12 novembre mettait en exergue le rôle important des Etats-Unis dans l’autonomisation de la province kurde au Nord de l’Irak. Et si l’action du gouvernement Bush au Kurdistan s’avère indispensable au maintien d’une image de stabilité en Irak, sa position doit toutefois être nuancée. Comme l’explique Le Vif l’Express de la semaine dernière, les Américains ne peuvent « pas perdre leur précieux allié de l’Otan, la Turquie ». La base turque d’Incirlik facilite le réapprovisionnement des missions américaines en Irak. Et comme l’histoire l’a démontré, entre Kurdes et Turcs, les relations sont tendues.

Une nation sans Etat
Le Kurdistan, nation d’origine indo-européenne, s’étend sur quatre pays : la Syrie (2 millions de Kurdes), l’Iran (8 à 10 millions), l’Irak (4 à 5 millions) et la Turquie (15 millions). On compte également des communautés kurdes en Azerbaïdjan, en Arménie, en Géorgie, au Liban et au Koweït. Sans oublier la diaspora kurde en Europe Occidentale, aux Etats-Unis et en Australie qui a fui le Moyen-Orient du fait des persécutions perpétrées par les peuples précédemment cités. Ceux-ci refusent l’indépendance du Kurdistan car cela représenterait une atteinte à leur intégrité territoriale. Cette nécessaire autonomie, réclamée depuis près de cent ans, a été la cause de nombreux conflits et de nombreux morts, à l’instar du génocide kurde perpétré par Saddam Hussein dans les années quatre-vingts.
C’est donc dans une certaine allégresse que se développe actuellement le Kurdistan irakien, même si personne n’ose encore parler d’Etat ou d’indépendance. Cette superficie de 70 000 kilomètres carrés accueille déjà deux aéroports, reliant la région au Moyen-Orient et même à l’Europe. Les Kurdes signent désormais des contrats d’exploitation pétrolière avec des sociétés internationales. Le secteur du bâtiment est en pleine explosion. Le Kurde et l’Anglais sont devenus les deux premières langues de l’enseignement, et ce au détriment de l’Arabe. Les relations diplomatiques se multiplient. Les chaînes de télévision sont kurdes. Et c’est le drapeau vert blanc rouge frappé d’un soleil jaune (drapeau kurde) qui flotte sur les édifices publics accueillant le gouvernement de la région autonome kurde.
A quelques kilomètres de Bagdad, Erbil, capitale du Kurdistan irakien, représente donc une véritable terre promise.

Une prospérité à double tranchant
Ces sont des kurdes de partout qui viennent s’installer dans ce proto-Etat. Il ne faut toutefois pas occulter la présence de groupes terroristes même si le gouvernement ne tolère aucun mouvement armé sur son territoire. Le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), composé de rebelles armés, trouve ici refuge pour se cacher et préparer ses attentats. La Turquie, cible de cette guérilla marxiste, voit rouge. Il y a un mois, le parlement turc a donné son autorisation à d’éventuelles incursions dans le Nord irakien afin de lutter contre les rebelles du PKK. Ankara a toutefois promis de recourir à tous les moyens diplomatiques avant d’envisager une action militaire.
Tout n’est donc pas rose pour l’éventuel futur Kurdistan qui a, déjà au cours du siècle dernier, beaucoup espéré…

C.V.R